Phantom & Ghost
To Damascus
[Ladomat/Labels]
Si les Allemands Dirk Von Lowtzow et Thies Mynther ont décidé de donner à leur collaboration le nom de "Phantom & Ghost" c'est bien parce que des spectres et des fantômes planent sans grande discrétion au-dessus de "To Damascus". Les ambiances sont assez soignées et l'on y découvre neuf perles pop teintées d'une noirceur qui puise tout droit dans la cold wave des années 80. Et derrière la fausse désinvolture et l'apparente nonchalance de ces mélodies, on découvre un vrai travail de précision. Dans le même esprit que Colder, mais sans la volonté morbide de décalquer, Phantom & Ghost nous offre juste un rappel, tout en harmonie, d'une époque pas si révolue que ça, entre la mélancolie de Marc Almond et un ersatz réactualisé et très honorable de l'époque Factory, boîtes à rythmes et synthés en tête. Un disque surprenant et convaincant qui nous offre une immersion dans une espèce d'électro pop ouatée très léchée. Une vraie surprise particulièrement envoûtante à laquelle il est quasiment impossible de résister.
Christophe Labussière


Architect
I Went Out Shopping To Get Some Noise
[Hymen]
Quand on considère le nombre impressionnant de projets de Daniel Myer, il y a de quoi être partagé entre le considérer comme un touche-à-tout prolifique et inspiré, ou comme quelqu'un ayant une sérieuse tendance à se disperser, capable aussi bien du meilleur (la dark électro de Haujobb) comme du pire (la future pop bidon de Clear Vision ou les chants féminins pompiers de H_M_B). Et ce n'est pas ce nouvel album de son projet Architect qui pourra nous aider à nous faire une idée définitive. Six années après l'electronica bourrée de breaks et de beats de "Galactic Supermarket", Myer ressort de son chapeau Architect dans une version plus rythmique et plus accessible, mais toujours teintée de la dose habituelle de sonorités "dark". Alors oui, Daniel Myer nous confirme qu'il est polyvalent en plus d'être doué. Oui, c'est joli, c'est bien produit et il y a quelques idées ici et là (une tentative de reprise de la Sonate au clair de lune de Beethoven par exemple). Mais malheureusement, on a la lassante impression de retrouver cette recette passe-partout qu'on commence à connaître par cœur, Myer n'étant pas le premier issu de la scène dite "dark" à s'essayer à des choses soi-disant plus abstraites et plus (prétendues) sophistiquées. Un album qui contentera sans surprise les fans du genre et/ou du personnage, mais qui malheureusement ne sortira pas de l'univers cloisonné de cette scène dite "indus". Dommage.
Renaud Martin


Ataraxia
Saphir
[Cruel Moon/Cold Meat Industry]
C’est un bien joli concept qui se trame derrière les dix mouvements de ce nouvel album d’Ataraxia. En choisissant le jardin sous ses formes les plus diverses (jardins suspendus de Babylone, jardins japonais, français ou anglais), c’est ainsi toute une cohorte de parfums de fleurs, d’arbres, de fruits ou d’herbes qui viennent se mêler avec délicatesse aux nouvelles compositions du trio italien. Dix titres (onze si l’on compte le morceau caché) aux corolles mélancoliques dans lesquelles l’étrange voix métallique de Francesca Nicoli, tendue entre discordances légères et puissantes envolées lyriques, se fraye un chemin parmi les passiflores et les saules pleureurs. Des échos de fontaine, des bruissements de branches, un lys qui s’effeuille, c’est toute la nature qui respire au travers de chansons écrins aux textes contemplatifs et romantiques (The Gentle Sleep, Blood of Cherries, A Green for Her Voice). Ataraxia exhale là une poésie qu’on taxerait de champêtre, si les diverses symboliques (mythiques, magiques, etc.) accolées au mythe du jardin n’emportaient l’auditeur bien au-delà de la simple promenade bucolique. Armé de ses seules guitares classiques, synthés et percus, le groupe brosse avec conviction et passion un splendide tableau d’ombre et de lumière dans lequel se mêlent chaleur méditerranéenne, sérénité orientale, souvenirs d’enfance, mythologie ou encore raffinement victorien. "Saphir", un album à écouter, à respirer…
Stéphane Leguay


Deleyaman
Second
[Nech/T.T.O Records]
Encore méconnue pour beaucoup, la formation pluri-culturelle (arménienne, américaine, suédoise et française) Deleyaman n’en est pourtant pas à son coup d’essai. Sorti en 2001, leur premier album "00/1" nous avait alors présenté leur univers ambiant relevé d’une fine texture world music. Un travail concluant auquel "Second" fait aujourd’hui suite. Évidemment, il paraît bien difficile d’oublier à l’écoute de la plupart de ces douze pièces, l’ombre tenace de Dead Can Dance, tant l’alternance chant masculin / féminin, les quelques percussions et l’utilisation massive d’instruments folkloriques arméniens (saz, doudouk, shêvi) nous renvoie inévitablement vers les dulcimers, bouzoukis et autres darboukas du duo australo-irlandais. Mais si l’on excepte Sparrow, le poussif premier titre à la trame mélancolique quelque peu convenue, le quatuor ne tarde guère à faire rapidement preuve d’une indubitable habileté dans la maîtrise de ses atmosphères, à la fois vastes (Yana) et intimistes (Battlefield). L’évasion peu dès lors commencer, nous entraînant du Caucase à l’Himalaya, découvrant d’immenses étendues sauvages (Black Rainbow), de hautes cimes recouvertes de neiges éternelles (The Door), tutoyant le folklore le plus tribal (Dice) avant de s’achever sur la jolie berceuse Denials, petite musique de nuit en forme d’ Au revoir et à bientôt. "À bientôt", très certainement, car la magie Deleyaman semble encore avoir plus d’un voyage à nous faire partager à l’avenir.
Stéphane Leguay


Desiderii Marginis
Strife
[Cold Meat Industry]
La chose la plus marquante qui soit, au moment d’appréhender une nouvelle production de chez Cold Meat Industry, est ce sentiment de retourner indéfiniment dans les mêmes sinistres marécages, sous les mêmes cieux orageux, dans les mêmes nimbes sans fond. Desiderii Marginis ne fait pas exception à la règle, loin s'en faut. Non pas que cet album soit la copie conforme des derniers Lithium, Institut ou autre Raison d’Etre, ni que la musique de Desiderii Marginis soit dépourvue de personnalité, mais il semble néanmoins difficile à l’écoute de "Strife" de ne pas tomber une nouvelle fois dans des lieux communs du style "musique de chambre froide" ou "ambiances de fin du monde". Pour autant, ce nouvel opus s’avère parfaitement réussi dans son entreprise nihiliste et dépressive. Huit pièces glauques et noires à souhait, plombées par de sourds murmures industriels desquels émanent de lourdes nappes de claviers saumâtres, voici comment Desiderii Marginis envisage notre monde moderne. Un monde de conflits, de guerres et de désolation qui se reflète au travers d’un album couleur de rouille, austère et sans espoir. Quelques rythmes aussi hypnotiques qu’inhumains constituent les seuls battements de cœur d’une musique tellement moribonde qu’elle en paraîtrait morte, si un tapis de sons organiques ne lui conservait un léger souffle de vie.
Stéphane Leguay


Fear Factory
Archetype
[Liquid 8/Roadrunner]
Pionnière d'un "cyber-metal" apparue en 1992 avec le terrifiant (et très novateur) "Soul of a New Machine", la belle mécanique Fear Factory, après deux autres excellents albums, "Demanufacture" (95) puis "Obsolete" (98), semblait s'être passablement grippé sur le très linéaire "Digimortal", paru en 2001. Un an plus tard, le quatuor se séparait, nous laissant pour tout testament une compil de démos, "Desecrate". 2004, le chanteur Burton C. Bell sonne le retour de ses troupes avec un cinquième essai "Archetype". Le guitariste-bibendum Dino Cazares est parti entre temps, mais qu'importe ! Le bassiste Christian Olde Wolbers se charge à présent de la six cordes, laissant son poste à l'ex-Strapping Young Lad, Byron Stroud. Gonflé à bloc par sa nouvelle configuration, le combo américain semble ici retrouver son second souffle et nous gratifie d'un album duquel on ne retrouvera pas grand-chose à redire. Certes, le format ultra-rythmique et quasi-robotique des compositions sonne comme du déjà entendu ; de même les riffs au scalpel, l'omniprésente double grosse-caisse (le tout encore un peu plus déshumanisé par le truchement de la fée informatique) et l'alternance vociférations/chants clairs s'inscrivent sans surprise dans la grande tradition de Fear Factory. Mais le groupe a su de nouveau retrouver le filon pour accoucher de compositions superbes où brutalité (Cyberwaste) et clarté (Human Shields) font de nouveau bon ménage. Martèlements épileptiques, refrains qui pulsent, sans oublier quelques belles nappes de synthés (on retrouve d'ailleurs un titre co-composé avec Rhys Fulber de Front Line Assembly), "Archetype" se laisse très facilement écouter, même s'il peut néanmoins laisser dubitatifs certains esprits chagrin qui attendaient un peu plus d'évolution de la part d'une formation qui avait pris tout le monde à revers il y a douze ans de cela.
Stéphane Leguay


Groupgris
Tops, Shoks, Souvenirs
[Wwilko]
Délaissant pour un temps Kap Bambino, son projet électro clashy pump it up, Orion Bouvier revient à la charge avec Groupgris et ce mini album bien plus osé et décalé que "Save As To", son premier disque sorti il y a deux ans. En comparaison, ce dernier passerait d'ailleurs presque pour de la sérieuse electronica s'il ne balbutiait pas déjà les prémices de cette folie douce qu'est "Tops, Shoks, Souvenirs". Country dyslexique, hip-hop acrobatique et rythmes syncopés se côtoient dans ce carcan de samples qui évoque immanquablement le maître du genre, Kid606. Tout comme son héros, Orion Bouvier manipule avec dextérité des mélodies chewing-gum dont la bulle éclate à chaque fin de morceau. Il ne s'encombre pas d'une ou deux références légèrement audibles, il les mâche et remâche toutes, rendant ses compositions les plus compactes élastiques à souhait. Avec ce nouvel essai, Groupgris prouve une fois de plus qu'il a bien sa place dans cette vague française disjonctée qui va de Puyo Puyo à Dat Politics. Un disque roboratif.
Carole Jay


Kirlian Camera
Invisible Front.2005
[Trisol]
Spatial… Voici bien l’adjectif qui sied le mieux à ce nouvel album de Kirlian Camera. Dans sa thématique tout d’abord : sur fond d’odyssée stellaire et de contemplations intra-sidérales, le duo italien égrène tout un chant lexical qui nous emporte de trous noirs en anneaux de Saturne, de voie lactée en clarté lunaire, fines paraboles à un désenchantement et à un désespoir bien caractéristique à chaque opus du groupe. Spatial également dans sa structure : aérées et volatiles, les nappes de synthés épousent avec finesse les lourdes fréquences basses et les lentes pulsations d’une architecture ciselée semble-t-il, au laser le plus fin. Ici, pas de véritables tubes dancefloor façon Absinthee ou Solaris IV mais plutôt une jolie suite de constructions electronica, aux synthés parfois proches des sonorités analogiques new age de Tangerine Dream ou Klaus Schulze ( K-Pax, Dead Zone in the Sky). Mais si l’on retrouve les quelques traditionnelles séquences robotico-expérimentales chères à Angelo Bergamini, cet album reste terriblement humain grâce à l’inestimable apport vocal d’Elena Fossi. Devenue depuis peu le seul alter ego du maestro, la belle illumine cet "Invisible Front.2005" de sa voix délicate et sensuelle, ajoutant une dimension charnelle au très minimal The Immaterial Children ou au métronomique Kobna Dob. Sans doute plus lumineux que ses prédécesseurs malgré quelques plongées inquiétantes (A Woman’s Dreams susurré par l’ex-Swans, Jarboe), cet album semble parfois même lorgner vers le côté plus épuré du side-project d’Elena, Siderartica (K-Space-Y 1), éloignant un peu plus Kirlian Camera des sonorité martiales et sépulcrales d’il y a quelques années. Complexe tout en restant limpide, cet "Invisible Front.2005" s’avère un passionnant périple spatial dans lequel on ne se lasse pas d’embarquer.
Stéphane Leguay


Levinhurst
Perfect Life
[Full Contact]
Alors qu'on l'avait totalement perdu de vue depuis la disparition de son projet Presence, c'est aujourd'hui accompagné de son épouse Cindy Levinson que Lol Tolhurst fait son grand retour. Mais qu'il n'y ait pas d'équivoque, à aucun moment Levinhurst (fruit de la contraction de leurs deux noms) ne nous renvoie au passé prestigieux du cofondateur de The Cure. Ici Lol s'est simplement équipé des meilleurs logiciels de musique électronique du moment (on le retrouvait d'ailleurs récemment en interview sur le site d'Ableton, le développeur du logiciel Live) pour les utiliser d'une façon plutôt... cheap. Un minimalisme qui, s'il rejoint d'une certaine manière celui de ses références, Kraftwerk, Can et Monolake, n'est sauvé de justesse que par la voix de Cindy. Celle-ci s'avère en effet assez étonnante. Plutôt charmeuse, elle donne une vraie consistance à ces exercices électroniques un peu hasardeux, espèce de pop vaguement mâtinée de trip hop. "Perfect Life" est un OVNI qui met dans un premier temps l'auditeur dans l'embarras, car si l'on parvient sans trop de difficulté à sortir quelques chansons du lot grâce à des mélodies souvent efficaces, on regrettera les arrangements plutôt faignants. Mais une fois cette déconvenue passée, il reste de ce projet quelque chose de particulièrement agréable à apprécier, comme une vraie curiosité.
Christophe Labussière


Morthem Vlade Art
Absente Terebenthine
[Pandaimonium]
On ne peut qu'admirer la constance et la rigueur de Morthem Vlade Art dans sa volonté d'affiner et de perfectionner sans cesse un son qui n'a depuis leurs débuts de cesse d'évoluer. Non pas que celui-ci soit aujourd'hui foncièrement original, il lorgne en effet toujours vers des sonorités et des ambiances proches de Japan ou Dalis Car (et s'offre quelques clins d'œil prononcés à Depeche Mode), mais la faculté qu'a le duo à réunir une telle délicatesse et autant de classe impose le respect. La voix de Gregg est parfaitement en osmose avec la musique qui l'accompagne et fait de cette rencontre avec ces trop courtes chansons un vrai moment de plaisir, presque de recueillement, tant l'atmosphère apaisée et délicate qui s'en dégage est troublante. "Absente Terebenthine" va un cran plus loin encore dans la voie largement ouverte par l'album précédent et en reprend superbement les mêmes composantes, prenant le temps de nous offrir de nouvelles perles telles que E-Clipse, Long Distance Conversation ou encore Zone. Un album splendide, plus homogène encore que son prédécesseur, réglé avec la précision d'une horloge. Un régal.
Christophe Labussière


Múm
Summer Make Good
[Fat Cat/PIAS]
À croire que le son islandais existe bel et bien. S'ils ne sont pas autant médiatisés que Sigúr Ros ou a fortiori Björk, Múm méritent tout notre intérêt. Porteurs de grâce et férus d'expérimentations comme les sus cités, le groupe, devenu trio, affine d'albums en albums ses productions électro pop minimalistes. "Summer Make Good" ne déroge pas à la règle et va plus loin encore que "Finally We Are No One" dans le détail sonore, pas forcément perceptible de prime abord, mais néanmoins précieux. L'accordéon (sur le sombre mais sublime The Ghosts You Draw on My Back ou Will the Summer Make Good for All Our Sins), le glockenspiel ou le grain rapeux des samples (samples de vents à plusieurs reprises notamment dans les magnifiques instrumentaux que sont Stir ou Abandoned Ship Bells) rendent les morceaux particulièrement plus nostalgiques, voire dramatiques, que précédemment. La voix au bord de la rupture de Kristín Anna Valty´Sdóttir, posée délicatement comme un instrument à part entière, et les mélodies presque éthérées apportent un éclat magique à ce canevas nordique oscillant entre la fausse légèreté de Tarwater (Sing Me Out of the Window), la noirceur ouatée de Piano Magic et les expérimentations de Boards of Canada.
Catherine Fagnot


Neuropa
Born
[A Different Drum]
Le duo australien de Neuropa revient avec un nouvel album qui laisse un peu interrogatif : est-ce que ce clone d’Erasure a vraiment quelque chose de neuf à nous offrir ? La plupart des onze nouveaux morceaux sent trop les années 80 pour être vraiment excitant. Les mélodies, souvent très simples, ne manquent pourtant pas d’efficacité mais les ambiances très cheap créées par les petits synthés "Bon Tant Pis" (la marque a été "réorthographiée" pour les besoins de cette chronique mais pourrait aussi être réutilisée dans d’autres chroniques à venir, voire même constituer un label de qualité -ndlr) font vraiment dépassé (surtout sur The Only One, titre qui ferait bien marrer les kids de Basildon, sans parler de Control, Standing Still in Time ou encore de l’horrible et guitareux Nothing Left to Lose). C’est seulement lorsque quelques grosses machines bien modernes se mettent à chauffer que les titres prennent de l’ampleur et de l’intérêt (surtout le très bon Every Second et le Vince Clarkien "2004 Mix" de Away). On apprécie également deux instrumentaux (The Trigger et We Are) bien ficelés qui pourraient laisser entrevoir de nouvelles perspectives à ce groupe qui devrait plus s’écarter de ses idoles pour nous montrer sa véritable personnalité.
Stéphane Colombet


OMR
Side Effects
[UWe]
Comme Syd Matters et plus récemment Rhesus, le duo OMR fait partie de ces groupes qui ont été révélés par l'opération "CQFD", le concours des Inrockuptibles, qui mine de rien, nous donne depuis deux ans des résultats assez intéressants. OMR ("Homère" ?), c'est Virginie Krupa (chant) et Alex Brovelli, deux Français au background assez différent (elle, plutôt pop, new wave et même goth, et lui, plutôt rock, punk, ska, hip hop), qui pratiquent une sorte de pop électronique froide et aérienne, déjà remixée dans un premier maxi par des pointures comme Ellen Allien ou Console. C'est d'ailleurs, le prolifique Mario Thaler, le producteur de groupes de cette nouvelle scène allemande tels que The Notwist, Lali Puna, Console ou Ms John Soda, qu'on retrouve aux manettes de ce premier album. Nommé "Side Effects", celui-ci, malgré quelques temps morts, s'avère rapidement assez prenant, avec ses instrumentaux classieux (Extension, He's Up to All the Tricks, The Last) et des chansons élégantes comme Password, The Door ou Wholly, interprétées par Virginie dans un anglais très (trop ?) appliqué. Globalement, un premier album très encourageant, et qui a le mérite de souffler un peu d'air frais sur la scène pop électronique française.
Renaud Martin


Punish Yourself
Sexplosive Locomotive
[Geisha Machine/Sriracha]
Né à Toulouse en 1993, le quatuor Punish Yourself s’est rapidement fait remarquer pour ses shows délirants et sa musique proche d’un rock’n’roll industriel technoïde cher à KMFDM ou Think About Mutation. Après un premier album énergique mais brouillon ("Feuer Tanz System" en 1998), et un deuxième effort plus cinglant ("Disco Flesh : Warp 99" en 2001), les cyber-punks fluorescents accouchent aujourd’hui de leur album le plus abouti. Sans rien perdre de sa folie ni de sa virulence, Punish Yourself a parfaitement su canaliser son énergie débordante et ordonner ses idées pour composer douze morceaux diaboliquement efficaces. Samples de films, rythmes imparables, guitares mordantes et refrains entêtants s’accouplent frénétiquement sur fond d’hymnes à la drogue, au rock’n’roll et au sexe, ou de charges virulentes contre les États-Unis et leurs médias. Punish Yourself ne renouvelle peut être pas le genre (on pense bien sûr à Rammstein, Marilyn Manson ou Ministry à l’écoute de certains titres) mais fait preuve d’une vitalité et d’une spontanéité enthousiasmantes, enchaînant les bombes pour dancefloors sans mollir. Résultat d’un croisement entre Alien Sex Fiend, The Cramps, Rob Zombie et My Life With the Thrill Kill Kult, ces réjouissants enragés s’affirment définitivement comme une formation majeure dans le paysage français, remportant haut la main "l’épreuve du troisième album". Un comic-book consacré au groupe (scénarisé par Coralie Trinh Thi et dessiné, entre autres, par Denis Grrr ou Aleksi Briclot) devrait être sorti quand vous lirez ces lignes, "afin de convaincre un monde incrédule que le cauchemar vient juste de commencer" !
Christophe Lorentz


Seabound
Poisonous Friend
[Dependent]
Que pouvait-on encore attendre de ce groupe allemand très talentueux, quelques mois seulement après la sortie de leur génial deuxième album "Beyond Flatline" ? Sans doute pas grand chose tant ce disque frisait la perfection en matière de future pop. Eh bien, ce gros maxi (neuf titres) de "Poisonous Friend" est presque encore meilleur. Le morceau éponyme nous est livré dans des versions plus extrêmes que celle de l'album, totalement destinées au dancefloor. Les quatre remixes sont très variés et se complètent admirablement au point que l'effet d'overdose, très souvent produit sur ce genre de maxi, est ici parfaitement inexistant. Les remixes d'Iris et surtout des revenants de Severed Heads sont des petits bijoux qui redonnent ses lettres de noblesse à cette pratique. Si, en revanche, les remixes par Cut.Rate.Box de Contact et par Stromkern de Transformer sont un peu concassés et poussifs au démarrage, la nouvelle version de Watching Over You par Haujobb atteint carrément le sublime, en respectant la construction d'origine et en la rendant plus onirique et aérienne encore. Quant aux deux morceaux inédits, chacun y trouvera son bonheur, entre un Traitor aggressif et presque Skinny Puppien et un Without You, hymne technopop à vous couper le souffle et à vous fendre le cœur. En un mot comme en dix : la "Nouvelle Star", c'est Seabound.
Stéphane Colombet


Superpitcher
Here Comes Love
[Kompakt]
Après avoir sorti deux maxis et s’être fait connaître en tant que remixeur, le DJ et producteur renommé de la scène de Cologne signe un premier album à l’atmosphère délicatemment cotonneuse. Entre techno dépouillée et format électro pop, Aksel Schaufler (aka Superpitcher) pioche aussi parfois dans le cabaret allemand à la Kurt Weill, comme sur le morceau Träume, chanté par Charlotte Roche, présentatrice coqueluche de la télé allemande. Il s’essaie également à trois reprises, dont celle du classique des années 50 Fever, inattendue bien que pas franchement renversante. Pour ce qui est des compositions originales, elles recèlent, sous des plages synthétiques et des beats minimalistes, cette délicieuse torpeur rêveuse et lancinante qui caractérise le style Superpitcher. Sons emmitouflés, voix monocorde, Here Comes Love offre une jolie part de mélancolie avec ses évocations de quête d’amour idéal et de solitude. Un spleen cristallisé en beauté dans l’antithétique Happiness, sans doute le morceau le plus marquant de l’album.
Laure Cornaire


Tweaker
2 a.m Wakeup Call
[IMusic/PIAS]
Parce que sa femme avait des insomnies à partir de deux heures du matin, Chris Vrenna a eu l’excellente idée d'en profiter pour écourter lui aussi ses nuits, et composer une suite aux aventures de son projet Tweaker. L’ancien batteur de Nine Inch Nails (qu’il a quitté en 1996) n’a pas son pareil pour distiller des climats sonores soutenant à merveille les voix de ses invités. Car il faut bien avouer que la formule Tweaker, si elle existe, touche en plein cœur avec des grains particuliers (Will Oldham, Robert Smith, David Sylvian), et des arrangements intelligents. Pour un peu, It's Still Happening montrerait à Richard Patrick (autre dissident du groupe de Trent Reznor) comment apporter un peu de sang neuf au son de Filter, tant la voix de Hamilton Leithauser est similaire à la sienne. David Sylvian est à nouveau présent (comment oublier le magnifique Linoleum sur "The Attraction to All Things Uncertain", sorti en 2001 ?) ; tel un fantôme, il interprète Pure genius qui pourrait facilement être la musique destinée à la visite d’un château hanté. Les avalanches de guitares noisy pop sur Cauterized flirtent avec le parfait Truth Is, chanté par un Robert Smith crédité sur un nombre incalculable de disques depuis l’an dernier. Celui-ci invente une nouvelle façon de prononcer, d’une voix dégoûtée, l’inusable "Oh baby" : la très grande classe ! Les plus éveillés d’entre nous trouveront une reprise du Movement of Fear de Tones On Tail, alors que Johnny Marr (heureusement sans Healers) vient enrouler les cordes de sa guitare sur le très bel instrumental qu’est The House I Grew Up in. Vous l’aurez compris, chaque titre de ce superbe disque possède une vie propre et un grain unique, donnant à cet album un vrai capital richesse, lequel réalise une plus-value à chaque écoute.
Bertrand Hamonou


The Vines
Winning Days
[Capitol/EMI]
On a longtemps cru que seule la musique anglaise valait quelque chose. Or il est clair aujourd’hui que les "Grands-Bretons" n’ont guère inventé que deux choses : les Beatles et les Sex Pistols. Et ça les a traumatisés. Depuis plus de dix ans, il semblerait que plus aucun groupe ne soit capable de puiser son inspiration ailleurs que dans ces deux-là. Alors le NME a beau glorifier chaque semaine les nouveaux Sex Pistols ou les héritiers des Beatles, force est de constater que le niveau actuel des groupes anglais n’est pas très élevé. Tous se ressemblent, et ce n’est pas quelques-uns (Libertines, Franz Ferdinand), à peine plus inspirés que les autres, qui vont tout révolutionner. Loin derrière eux, et malgré une très jolie pochette, voici les Vines, un groupe sympathique, sans plus. Dommage, car le début de l’album est pêchu bien comme il faut, ça donne envie de pogoter, c’est frais, enthousiaste et rageur mais voilà, il faut que deux ou trois morceaux plus loin tout cela se raplaplatisse comme les soufflés du copain de Gaston Lagaffe. On se retrouve en pleines sixties planantes, pseudo-héritées de Pink Floyd ou autres folk-singers, et malgré notre bonne volonté, rien n’y fait : on s’ennuie, et on attend le prochain morceau en se demandant impatiemment s’ils vont rebrancher le courant électrique dans leurs guitares. Mais non, et sur la fin, c’est trop tard. Alors voilà, tant pis pour les Vines, ils ne sont pas la next big thing, ni même la next little. Ils passeront sans guère laisser de traces, sauf dans les pages du NME, et nous, on ira peut-être écouter ce qui se passe à Berlin ou à New-York, c’est fichtrement plus passionnant.
Frédéric Thébault


The Young Gods
Music for Artificial Clouds
[Intoxygene/La Baleine]
Voici le nouvel album des Young Gods, version "relaxation et méditation" : "Music for Artificial Clouds". Annoncé depuis un an déjà, et sans cesse repoussé, il est donc enfin disponible depuis fin mars via leur nouveau label, Intoxygene. "Heaven Deconstruction", le premier volet des aventures ambient du groupe (paru en 1996) s’appuyait sur les titres de "Only Heaven" en reprenant certains éléments sonores, étirés et épurés. De la même manière, on aurait aimé pouvoir trouver des similitudes entre "Second Nature", sorti en 2000, et ce "Music for Artificial Clouds", ce qui n’est pas le cas. Les morceaux sont tous inédits et l’on nous dit que Franz Treichler a parcouru l’Amazonie un micro à la main, à la recherche de sons à incorporer à ces compositions organiques générées par un ordinateur. Ces 70 minutes de musique ont été créées pour (et inspirées par) l’Arteplage d’Yverdon, qui se trouve sur les rives du lac de Neuchâtel, en Suisse. Il aurait peut-être été bien avisé de faire apparaître la mention "side project des Young Gods" quelque part sur la pochette, pour éviter la déception de ceux qui espèrent taper du pied et chanter quelques paroles avec Franz sur une réplique, malheureusement absente, de Kissing the Sun ou de Lucidogen. Cet album aurait tout aussi bien pu s’intituler "En attendant" Young Gods, tant une suite à leur excellent "Second Nature" se fait de plus en plus attendre.
Bertrand Hamonou
Express
Si vous aviez adoré le dernier album d'Apparat, "Duplex. remixes" (Shitkatapult) devrait vous plaire. Cet EP comprend, comme son nom l’indique, les remixes de quatre morceaux de "Duplex" réalisés par autant de musiciens de choix. Et mis à part la version dubisante plutôt monotone de Schallstrom par Thomas Fehlmann, le résultat est plutôt réussi. L’Usine ICL donne à Contradiction une touche plus rythmique et modifie la voix initiale en la hachant à souhait, Monolake retravaille le titre Steinholz en lui ôtant son côté anguleux pour en faire un morceau très paisible et pour finir, Anders Ilar pose sur Wooden un voile de décalage, offrant ainsi un remix cotonneux, encore plus apaisant et doux que l’original. Bonne pioche.
Quel heureux hasard, même label et même idée pour Håkan Lidbo et son "Clockwise Rmxs" ! À la seule différence qu’ici, tous les remixes sont consacrés au titre éponyme de l’EP "Clockwise", il est vrai très propice à l’exercice (il s’agit de ce morceau où l’on entend deux Londoniens lambda décrire leur journée). Les coupables ont cette fois pour nom Matthew Dear, Si Begg, Håkan Lidbo lui-même et Apparat, et la palme du meilleur effet revient sans conteste à ce dernier, même si ses bidouillages n’ont plus grand-chose à voir avec l’original. Sascha Ring le "mélancolise" en lui rajoutant de l’écho, en ralentissant le tempo et en déformant les propos de nos pauvres cobayes qui n’en deviennent que plus secondaires. Re-bonne pioche.
À propos de Londoniens, jetons une oreille à la nouvelle signature du label Toytronic : Kylian et son EP "Lappi Inzoo". Derrière ce titre exotique, se cachent quatre morceaux sur lesquels ce jeune Finlandais tisse avec élégance des mélodies parfois gaies et enjouées (Lappi Inzoo), parfois mélancoliques (Tak-ap). Seul petit bémol Eerikson, le troisième morceau, tente avec difficulté de mêler une rhythmic noise mal digérée à des sonorités pourtant très onctueuses. Le résultat est décevant et manque clairement de cohésion, dommage. On notera la présence d’un remix intéressant de Lappi Inzoo par Roger That Jr. à la fin du disque qui redonne de la cohérence là où Kylian se perd. Un premier essai à suivre néanmoins.
Pour finir, on ne passera pas à côté du Bochum Welt nouveau qui est toujours un petit évènement en soi. Tout n'est cependant pas très "frais" dans ce mini album intitulé "Kissing a Robot Goodbye" (Device), puisque l’on en connaît déjà deux extraits au moins, Mannequin et Terpsitone, enregistrés il y a quelque temps par le musicien sous le nom de The Voder. Quant au morceau La Nuit, on l’avait déjà entendu sous une autre version plus dynamique. Mais rien que pour un titre comme Telegame, petit bijou de virtuosité, de légèreté et de simplicité, on en redemande en se rappelant que les mélodies de Gianluigi Di Costanzo ont quelque chose d'intemporel qui les rend attachantes sans trop qu'on sache vraiment pourquoi. La chaleur de l’analogique peut-être…
Carole Jay
Express
Si pour accompagner le retour des beaux jours, vous cherchez un bon album de pop calme et "spleenée", nous ne saurions trop vous conseiller le premier album des Bruxellois de Raymondo (Matamore), sorti sur le tout jeune label Matamore : huit morceaux de très bonne facture à classer quelque part entre pop, folk et post rock. Un album frais et des plus agréables.
Dans la catégorie "recommandations", ajoutons également "Radiant Idiot", l'excellent nouvel album de Corker Conboy, ce duo londonien à qui on devait déjà le très bon “In the Light of That Learnt Later” (2002). Enregistré à Chicago, ce disque suit les traces de Tortoise en distillant un post rock contemplatif et mélodique, teinté de samples et de sonorités électroniques. Une recette connue mais qui fonctionne ici à merveille.
Enfin, terminons avec "Carbon Glacier" (Bella Union), le dernier album de l'attachante Laura Veirs. Cette américaine, qui n'en est pas à son premier coup d'essai, signe là un excellent album de folk dépouillée à la Catpower, avec treize morceaux écrits pendant l'hiver 2003 qui, entre deux références à Virginia Wold ou Kurt Cobain, évoquent océans glacés et paysages monochromes. Un disque qui porte à merveille son nom, en somme.
Renaud Martin
Express
Voici quelques nouvelles du label américain Fossil Dungeon tenu par les sympathiques frères Riddick (The Soil Bleeds Black). À tout seigneur tout honneur, commençons par les vétérans gothiques Mephisto Walz. Taxer le groupe de peu productif relève du doux euphémisme si l’on considère qu’il aura fallu près de cinq ans au duo Bari-Bari/Christianna Leonard pour donner une suite à l’album "Immersion". Et encore devons-nous ici ne nous contenter que d’un simple single, "Nightingale", sorti l’an dernier aux USA et aujourd’hui enfin disponible en France. Musicalement parlant, les deux morceaux de ce joli 45 tours blanc continuent de naviguer dans les eaux cristallines et inspirée du dernier album, révélant un Nightingale superbe de lyrisme gothique et un Witches Gold délicieusement nerveux. Un avant-goût prometteur pour les prochains travaux du groupe… si celui-ci se décide à s’y mettre bien sur !
Nouvelles venues dans la sphère heavenly voices/néo-classique, les deux sirènes de Mirabilis sont pourtant loin d’être des débutantes dans le circuit goth américain. En effet, si la première des deux, Dru, a fait ses armes au sein des regrettés This Ascension, la seconde, Summer, a quant à elle fait les beaux jours d’une autre excellente formation, The Machine In the Garden. Une expérience que les deux jeunes femmes mettent aujourd’hui à profit de la plus belle manière qui soit sur ce premier EP éponyme, constitué de quatre titres quasi exclusivement vocaux, qui ne sont pas sans rappeler les débuts de Miranda Sex Garden. Réduites à leur plus simple expression et sans le moindre artifice technologique, ces chansons de geste du XXIe siècle annoncent, derrière la pochette d’un 45 tours superbement estampillée au graphisme moyen-âgeux, l’arrivée imminente d’un premier album, "Pleiades". On en salive d’avance…
Tout aussi délicat, quoique moins épuré, "Dancing, Dreaming, Longing..." le second opus de la "diva" Dawn Desiree' prouve, s’il en était besoin, la diversité de style qui caractérise The Fossil Dungeon. Épaulée par les frères Riddick, la belle rousse dépose sa voix haute et puissante sur les multiples couches d’instruments (organiques ou non) qui constituent le lit de cet album. Piano, synthés, loops électro, Dawn n’a pas peur de confronter son chant classique à des ambiances parfois moins baroques, ce qui ne se fait pas sans casse (Revenge). On préfèrera apprécier l’étendue de ses capacités vocales sur des titres, certes quelque peu convenus (Waltz of the Afterlife), voire plutôt convaincants (My Wings) mais bien plus en accord avec l’univers et les thèmes développés par la jeune femme.
Pas grand-chose à sauver en revanche sur "Eternal", le second album du trio floridien Butterfly Messiah. Le superbe digipack noir et blanc était pourtant prometteur d’un certain esthétisme. En fait d’esthétisme et de raffinement, nous avons droit à une synthpop / électro mollassonne et terriblement kitsch, servie par des compositions scolaires jusqu’au fond du beat ; tellement prévisibles qu’on verrait presque défiler la grille de programmation de Cubase ! Et le joli brin de voix de Shannon Lyn Garson ne change rien à l’affaire. Seule lumière dans ce ténébreux fiasco électronique, le titre It’s Time et son refrain entraînant ne saurait malgré tout sauver un album qui fait tache dans le joli catalogue de Fossil Dungeon. Un donjon duquel devrait prochainement sortir le premier album des Italiens de Chirleison, ainsi que les nouveaux Dark Muse et Hexentanz.
Stéphane Leguay
Express
Alors que le versant électro, techno ou rythmique de l’indus inspire des artistes de plus en plus nombreux dans l’hexagone, la version plus métal de la chose a depuis longtemps pris sa vitesse de croisière. Ainsi, le premier album de Porn, "Glitter, Danger & Toyboyz" (Slalom Music/Night & Day) est une très bonne surprise, qui s’inscrit dans la lignée d’Orgy, Godhead ou Zeromancer. Car même si il est moins virulent que celui de Collapse et moins fou que celui de Punish Yourself, le rock industriel glamour et mélodique du combo n’en est pas moins diablement efficace. Les compositions accrocheuses, la production limpide et puissante, le chant vibrant, l'équilibre entre guitares saturées et sonorités électro font en effet de Porn un groupe à suivre de très près, d’autant qu’il tient parfaitement la distance sur l’ensemble d’un album.
Plus rocailleux, Wormachine évoque parfois le Young Gods de "TV Sky" ou le Treponem Pal de "Excess and Overdrive", avec son lyrisme caverneux et ses sonorités organiques relevées d’une dose discrète mais efficace
d’électronique. Avec son premier album éponyme (Boycott Rec./Next Music), ce trio originaire de Belfort (déjà auteur de trois EP remarqués) témoigne d’une belle maturité, à travers ses mélodies écorchées, ses guitares puissantes, ses machines intelligemment utilisées et ses rythmes lancinants. Et là encore, quasiment rien à jeter sur l’intégralité de ce disque musclé sans jamais être bourrin.
Du côté de l’Allemagne, The Retrosic (alias Cyrus) lance sa deuxième bombe intitulée "God of Hell" (Tribune Rec./Minuswelt). Gageons que ce disque, pas original pour deux sous mais totalement imparable, devrait satisfaire les déçus du dernier :Wumpscut: ou du dernier Suicide Commando. Ambiances morbides, samples de films fantastiques, rythmes taillés pour les dancefloors gothiques, sonorités froides et dark à souhait, voix distordue, gimmicks obsédants, refrains basiques... La recette a fait ses preuves mais elle est appliquée avec un savoir-faire incontestable. Et même si la machine faiblit parfois, The Retrosic est quand même en train de se tailler une place de choix au sein de la scène électro dark, à l’heure où les grandes figures du genre montrent de nets signes d’essoufflement.
On pourrait soutenir que si Jack Dangers n’avait pas un jour fondé Meat Beat Manifesto, tous les artistes que l’on vient de citer ne feraient certainement pas la même musique. Reconnaissons tout au moins l’apport unique de l’Anglais à la scène électronique en général, avec ses rythmes sophistiqués, ses samples luxuriants, ses bleeps cinglants et sa façon unique de mêler dub froid, électro minimaliste, hip-hop concassé, techno subtile et industriel old school. Pourtant, depuis l’incroyable "Subliminal Sandwich", Jack Dangers peine à retrouver la force et l’inspiration de ses débuts. Son nouvel opus, "...In Dub" (Quatermass) est en fait, comme son nom l’indique, une relecture électro dub de son dernier véritable album "R.U.O.K.?" (au demeurant assez décevant). L’ensemble est néanmoins suffisamment varié, nerveux, malin et inventif pour que l’on ne s’y ennuie pas, d’autant que les versions proposées sont souvent très éloignées des titres originaux.
Christophe Lorentz