New Order
Waiting for the Sirens' Call
[Warner]

À peine quatre ans après "Get Ready" (lui-même sorti huit ans après "Republic"), le nouvel album de New Order arrive presque trop vite ; on était encore sous le charme de Crystal et des petites perles que les quatre de Manchester avaient su nous offrir à l'époque. Dès les premières mesures de "Waiting For the Sirens' Call", on découvre que tous les éléments caractéristiques à New Order répondent fidèlement présent à l'appel : la basse inimitable de Peter Hook, les synthés, la guitare, les choeurs féminins et bien entendu la voix de Bernard Sumner, plus exquise que jamais. À un point tel que l'on pourrait presque à chaque seconde s'amuser à citer le titre et l'album duquel ils semblent extraits. Si dans un premier temps tant de familiarité rend méfiant, voire inquiet, l'album s'avère finalement être une excellente cuvée. Sachant toujours jongler avec autant de brio entre pop à guitare (Hey Now What You Doing) et pop synthés (Dracula's Castle), New Order parvient plus que jamais à s'attacher à la mélodie et à l'émotion, proposant avec ces onze titres un long moment de plaisir. Brillant, comme toujours.

Christophe Labussière



13&God
13&God
[Alien Transistor]

C'est le groupe Hood qui a fait connaître au public européen l'univers du label undergound californien Anticon (chez qui abstract hip hop, folk et electronica font bon ménage), grâce à leur collaboration avec le duo Themselves sur l'album "Cold House" en 2001, puis sur un magnifique split single en 2004 où le morceau de Themselves surpassait même en beauté et en étrangeté celui de nos amis anglais. Et c'est maintenant au tour des stars de The Notwist de travailler avec ce trio formé par le rappeur Doseone, le producteur Jel, et Dax Pierson (malheureusement récemment blessé dans un accident lors de sa tournée avec Subtle), le temps d'un premier EP, "Men of Station", et de cet album éponyme, disons-le, absolument magique ! Car alchimie il y a bel et bien, et dès les premières mesures de Low Heaven apparaît à l'auditeur l'évidence : ces deux formations prestigieuses, chacune orfèvre du son à sa manière, ont ensemble réussi à créer leurs propres univers, paysages étranges et subtils suspendus dans le temps et l'espace entre pop, folk, electronica et abstract hip hop. Un véritable petit bijou, assurément un des grands disques de l'année 2005 et une bien jolie pierre dans l'histoire du rock.

Renaud Martin



13th Hole
Jack Is Back!
[Limbo Records]

il y a une bonne douzaine d'années, une nouvelle formation française faisait son apparition, 13th Hole. Le groupe était complètement en phase avec son époque : guitares saturées à l'extrême, mur du son, chant féminin monocorde, une apocalypse sonore de bon aloi, on se réjouissait de tenir nos Sonic Youth made in France. Le groupe, de surcroît, apportait à sa musique un vrai feeling qui les démarquait d'emblée de la multitude des suiveurs sans talent ni originalité du moment.
Seulement voilà, le temps a passé, et les années soniques avec, du moins au sens où on l'entendait à l'époque, car en matière de bruit il faut avouer qu'on s'étonne d'année en année d'aller toujours plus loin, le bruit étant devenu aujourd'hui presque l'apanage de MTV et des têtes des hits-parades. Bref, 13th Hole a continué son bonhomme de chemin, et sort aujourd'hui, déjà, son quatrième album. Dès les premières notes, le premier réflexe, c'est d'être content, car on retrouve cette furie qui nous avait toujours accroché, cette intensité dramatique amenée à toute berzingue par les guitares. Et on zappe sur les morceaux, chaque intro est également bigrement prometteuse : de la rage, de la colère, un chouia de désespoir, du pogo pour le corps et l'esprit, tout est pile poil comme on s'y attendait.
Mais pourtant, voilà, c'est justement là que le bât blesse. On ne peut pas dire, ce serait malhonnête et malvenu, que 13th Hole a perdu une once de son talent. Non. Par contre, on peut leur reprocher de ne pas avoir évolué du tout. Certes, le son du groupe a changé, il est plus pur, moins fouillis, et il y a eu une modification de personnel puisque la chanteuse n'est plus la même. Mais qui dit changement ne dit pas forcément évolution. Tout est peu ou prou comme avant, comme il y a dix ans. Alors pourquoi s'enthousiasmer plus que de mesure pour un disque qui, même réussi, a surtout pour effet de vous donner envie de réécouter leur premier album, voire tous les disques dans le même genre qui sortaient à l'époque ?
Dommage, en plus la pochette était marrante.

Frédéric Thébault



The Arcade Fire
Funeral
[Rough Trade/PIAS]

Rappelez-vous, fin 2004, une sortie canadienne portée par le bouche à oreille était venue chambouler votre top 10 des meilleurs disques de l'année que vous pensiez établi pour de bon. Et bien ce petit bijou nommé "Funeral", premier album de The Arcade Fire, collectif de Montréal articulé autour du couple marié Win Butler et Régine Chassagne, vient d'être réédité chez Rough Trade pour une sortie européenne réjouissante. Les retardataires vont donc pouvoir découvrir ce rock fiévreux et halluciné, plein de guitares folles et de cordes effrayées, qui emprunte autant au courant new wave/post-punk qu'au post-rock façon Constellation. Frissons garantis, notamment sur la première partie du disque (la suite Neighborhood) et sur le poignant final In the Backseat, chanté par Régine.
Petit bémol, pour compenser cette édition européenne un peu tardive quelques petits bonus auraient été bienvenus, on aurait par exemple grandement apprécié l'ajout du tout premier EP du groupe, tout aussi étonnant que cet album. Mais ne boudons pas notre plaisir, et terminons sur une bonne nouvelle : le groupe revient sur scène à l’Elysée Montmartre à Paris le 16 mai, et la plupart de ceux qui ont eu la chance d'assister à leur formidable concert du 10 mars au Nouveau Casino ont probablement déjà tous leur place.

Renaud Martin



Autechre
Untilted
[Warp/PIAS]

Il est forcément difficile de rester singulier et atypique, de maintenir son statut de référence alors que son désir essentiel est le renouvellement. Un paradoxe qui de toute évidence n'effraie pas le duo, voire le motive, preuve en est sa productivité et la fréquence à laquelle il distille chacune de ses nouvelles productions. À peine deux ans après "Draft 7.30", Autechre revient hanter nos oreilles avec "Untilted". Il est toujours aussi difficile de disséquer une œuvre produite par ces deux génies tant la perception que l'on peut en avoir dépend d'une multitude de facteurs. Les morceaux sont ici plus rectilignes, et s'installent même sur la longueur (chaque titre, 8 en tout pour 70 minutes, fait entre 6 et 16 minutes). Une volonté évidente de laisser du temps à l'auditeur, temps dont il manque souvent, leurs compositions étant toujours caractérisées par leur complexité et une faculté à virevolter et rebondir continuellement. L'œuvre complète d'Autechre est un véritable bréviaire dont seuls Sean Booth et Rob Brown connaissent la trame, et "Untilted" en est "simplement" un nouvel élément.

Christophe Labussière



The Bravery
The Bravery
[Mercury]

Annoncé par un imparable single en rotation sur les radios et les chaînes musicales anglaises depuis quelques mois (An Honest Mistake), le premier album de The Bravery était fébrilement attendu par toute une armada de party people, ceux-là même qui ont dansé toute l'année 2004 sur les tubes de Franz Ferdinand ou des Strokes. Et c'est sans mal que nos nouveaux venus issus (encore) de la scène made in NYC, avec leur look de dandies trash/dark et leurs tubes dance-rock, combleront toutes les attentes. Surtout maintenant que le rock, libéré et décomplexé grâce à des formations comme The Rapture, LCD Soundsystem ou autres Franz Ferdinand, a retrouvé sa place dans les charts et entraîne des hordes entières de filles sur les dancefloors des clubs. Et ça, les cinq ténébreux de The Bravery l'ont parfaitement assimilé, leur rock dark et nerveux n'hésitant pas à s'habiller de beats et d'électro, pour un résultat redoutable entre The Killers, Franz Ferdinand et du Interpol sous ecstasy. Un disque sans temps morts et aux multiples tubes, un nouveau signe de la cure de jouvence que s'est offert le rock'n'roll pour ce nouveau millénaire.

Renaud Martin



Doves
Some Cities
[Heavenly Recordings]

Annoncé par un single jouissif, l’époustouflant Black and White Town, "Some Cities", le troisième album des Doves n’en était que plus attendu. Et le moins que l’on puisse faire, c’est de reconnaître qu’il s’agit une fois de plus d’une totale réussite. Il serait évidemment facile de montrer du doigt le peu de prise de risque tant Walk in Fire, par exemple, ressemble un peu trop à There Goes the Fear. Mais c’est aussi parce que les Doves possèdent le secret d’une recette qui fait de chacun de leurs titres un classique que nous les aimons, tout simplement parce qu’il leur est impossible de décevoir. Que ceux qui ont adoré "Lost Souls" et "The Last Broadcast" se le tiennent pour dit : "Some Cities" est de la même veine, écrit avec la même honnêteté combinée à un irréprochable sens de la mélodie. Entre les guitares rageuses de Some Cities et la pâle lueur d’Ambition (qui a été enregistrée dans une église pour son écho particulier), les Mancuniens enchaînent les refrains et développent leur son de manière si bouleversante, qu’on les imagine passer des heures à discuter le moindre détail. Les arrangements de cordes somptueux de Snowden en font un prochain single inévitable, à moins que One of These Days lui vole la vedette ? Vous l’aurez compris, ce trio surdoué, qui lors de sa première incarnation musicale sous le nom de Sub Sub avait invité Bernard Sumner au chant, n’a plus rien à envier à leurs glorieux aînés puisque le chanteur de New Order le dit et le répète : Doves est son groupe préféré de Manchester à l’heure actuelle. Devant tant d’allégeance, et avec une pointe d’irrespect, on aurait bien envie de répondre "nous aussi".

Bertrand Hamonou



Echo Location
Compilation
[Optical Sound]

Exceptionnel. Le projet imaginé et réalisé par Pierre Belouin du label Optical Sound est tout simplement exceptionnel. Ceux qui ont connu l'effervescence de la scène française des années 80/90 se précipiteront sur "Echo Location". "Reprendre, rejouer, réinterpréter, remixer un titre qui leur paraît représentatif ou qui leur est cher extrait de leur discographie ou parfois inédit" (...) afin d'entendre chaque morceau sous un jour nouveau avec son visage d'aujourd'hui". Voilà en quelques mots ce à quoi se résume ce projet passionnant, mûri par un passionné. Dix-huit formations se sont prêtées au jeu, et les versions qu'elles proposent, qu'elles soient transfigurées ou qu'on les découvre pour la première fois, sont simplement époustouflantes. Classe, richesse, intensité... découvrir ou redécouvrir ces bijoux comme ceux de Marquis de Sade, Clair Obscur, Dazibao, End Of Data ou Little Nemo est un vrai moment de bonheur. Le reflet d'une scène d'une richesse incroyable dont les protagonistes, ressuscités par ce projet, sont, aujourd'hui comme hier, admirables.

Christophe Labussière



Fischerspooner
Odyssey
[Capitol]

Jusqu'à peu, l'histoire de Fischerspooner se résumait à deux choses : le titre Emerge, une véritable tuerie, et son clip. L'album sur lequel figurait ce single, "#1", réédité maintes fois, au gré du passage du groupe de labels indépendants en majors, laissait à vrai dire sceptique quant au potentiel réel du duo en studio. Car hormis Emerge, c'est plus du côté de la scène que Warren Fisher et Casey Spooner excellent. Un véritable rendez-vous avec le public (pourtant en playback, tout au moins en ce qui concerne la musique), des performances étourdissantes, à l'opposé de ce à quoi l'on s'est (malheureusement) habitué dans le domaine de la musique électronique, avec ces éternelles silhouettes figées derrière leur laptop. On n'attendait donc pas grand-chose d'"Odyssey", l'aventure Fischerspooner se délayant maintenant depuis plus de trois ans. Pourtant, alors que l'electroclash et ses ersatz commencent à lasser, ce nouvel album est une véritable surprise et surtout une totale réussite. Un disque très bien construit, alternant ballades et petites bombes, aux mélodies variées et à l'ambiance assez classieuse sur lesquelles la voix de Casey est carrément étonnante. Une production carrée pour un album vraiment riche. Une très très bonne surprise.

Christophe Labussière



Françoiz Breut
Une Saison Volée
[Labels]

On avait découvert Françoiz Breut, non pas dans l'ombre de Dominique A, mais plutôt à ses côtés, comme un brin de lumière qui éclairait de sa voix si particulière les compositions de son acolyte. Si l'on a attendu sa première tentative en solo avec impatience, on doit reconnaître qu'elle nous avait laissés sur notre faim. Aujourd'hui, alors que Dominique s'essouffle (avec le décevant "Tout sera comme avant"), Françoiz Breut continue son bonhomme de chemin et parvient enfin avec ce troisième album à combiner toutes les bonnes choses qu'on attendait d'elle. Un brin de voix charmant, entre classe et nonchalance, des compositions souvent touchantes, une ambiance inédite. Herman Düne, Dominique A, Jérôme Minière, ou encore Federico Pellegrini des Little Rabbits sont passés par là et ont accompagné la miss pour l'écriture de ses chansons (chantées en français, anglais, espagnol et italien), et c'est pourtant à un album tout en douceur et étonnamment homogène auquel on a affaire. Avec ses mélodies ensorceleuses Françoiz Breut redonne à la chanson française ses lettres de noblesse, comme a su les donner avant elle (et avec elle) son partenaire Dominique A.

Christophe Labussière



In My Rosary
Greetings From the Past
[Shayo]

In My Rosary fait partie de cette multitude de formations que l’Allemagne nous a envoyé au début des 90’s. Estampillés darkwave, grufties ou simplement gothiques, les Endraum, Elephant Vs. Bromley, kAlte fArben et autre Printed At Bismarck’s Death n’auront malheureusement pas bénéficié du même phénomène d’émulation qui accompagna les premiers essais de Das Ich, Project Pitchfork, Calva Y Nada ou Wolfsheim. Confiné lui aussi à jouer les seconds couteaux, le duo In My Rosary a pourtant survécu à cet anonymat et sorti au cours de ses treize ans de carrière pas moins de cinq albums et quatre EP, auxquels on peut ajouter les side-projects Griffin’s Fall et Derrière Le Mirroir. Nouvelle compilation à joindre à sa discographie, "Greetings From the Past" retourne aux sources d’In My Rosary puisqu’on y retrouve l’intégralité des EP "Those Silent Years" (93) et "Strange EP" (95). Nostalgiques et minimales, les six chansons du premier laissent deviner un groupe encore jeune, conduisant timidement une folk sombre de laquelle s’échappe pourtant quelques jolies mélodies (Whare Freundschaft).Et si les fantômes de Death In June ou d’Engelsstaub planent encore légèrement sur "Strange EP", le duo s’est enhardi, ajoutant du mouvement à ses compos, osant même l’électronique, le chant féminin et quelques touches beaucoup plus personnelles comme le violon fou de Violation. Plus mûr et mieux produit (il faut dire que "Those Silent Years" n’avait bénéficié que d’un enregistrement sur un 8 pistes), "Strange EP" recèle lui aussi quelques belles chansonnettes dont la mélancolie se noie à merveille dans un ondoiement de claviers jusqu’alors plutôt négligés par le groupe (Why We Cried, Mirage). L’exercice de rattrapage se termine par les très rythmés Greetings From the Past, Liar et The Rose of the World, dans des versions inédites ou réenregistrées qui apportent une petite touche d’actualité à ce très honnête recueil de souvenirs.

Stéphane Leguay



Kas Product
By Pass
Try Out
[Les Disques du Soleil et de l'Acier]

Quelle bonne idée a eu la prestigieuse maison nancéenne Les Disques du Soleil et de l’Acier que de rééditer les deux premiers albums de Kas Product. Car s’il est vrai que la première édition CD de "By pass" et "Try Out" était devenue depuis longtemps totalement introuvable, cette ressortie luxueuse permet en outre de rendre hommage à l’un des groupes les plus novateurs et représentatifs de l’époque. Pur fantasme ou impression justifiée, Kas Product semble en effet incarner avec sa boîte à rythmes, ses modulations de basses et ses arrangements inventifs, le "son français post-new wave", celui d’une scène loin de craindre la comparaison avec les Anglo-Saxons, à défaut d’avoir sa popularité. Pourtant la force de ce binôme franco-américain réside dans un schéma on ne peut plus simple : une brillante alchimie entre un chant suave et félin (celui de Mona Soyoc) et des machines nerveuses et électriques (commandées par Spatsz). Une formule certes limpide mais qui propose un spectre musical étonnamment varié. Car si l’on peut retrouver des débris de Suicide par-ci, des fragments de DAF par-là, les influences jazz ou cabaret de Mona viennent souvent s’immiscer dans un mécanisme synthétique toujours prêt à calmer la cadence pour se faire langoureux, presque ronronnant. Des trépidants Loony-Bin, T.M.T. ou Never Come Back aux très feutrés Pussy X ou Sober, c’est tout un pan des années 80, celui dont nous parlions plus haut qui se rappelle à nos bons souvenirs… Dépassées sans être ringardes, les instrumentations sèches et claquantes font souvent le grand écart entre adrénaline et sensualité, sans jamais tomber dans une expérimentation décousue. Plus de vingt ans après, une telle créativité alliée à une simplicité d’exécution laissent rêveur. Et enthousiaste, car le duo sait en outre écrire de vraies chansons, celles qui rentrent de gré ou de force dans le crâne et qu’on se surprend à siffloter le lendemain sous sa douche… Aujourd’hui exhumés à nouveau, les deux trésors du duo, remasterisés et agrémentés d’excellents bonus tracks, peuvent profiter tranquillement de cette nouvelle jeunesse que l’ère numérique leur offre. Une bonne occasion de rattraper le temps perdu en quelque sorte…

Stéphane Leguay



Magnolia Electric Co
What Comes After The Blues
[Secretly Canadian]

Songs: Ohia n'est plus depuis le magnifique "Magnolia Electric Co" sorti en 2003, et la suite des aventures de Jason Molina se fait désormais sous le nom de ce dernier album posthume, et avec un line-up fraîchement réactualisé. En janvier, on avait ainsi eu droit à un disque live joliment nommé "Trials and Errors", qui reprenait des classiques de Songs: Ohia mais également quelques nouveaux morceaux que l'on retrouve ici dans ce nouvel album. Alors bon, on peut trouver que la différence entre ces deux périodes n'est franchement pas flagrante et que ce changement de nom n'était pas indispensable, Molina ne faisant que suivre la direction qu'il semblait avoir prise depuis la fin de Songs: Ohia, c'est-à-dire vers une version plus grave, plus dense du folk à la Palace de ses débuts (désormais, les guitares grondent, les rythmes sont plus appuyés, et Molina évolue dans des ambiances plus classic-rock US, country rock ou blues). Mais on vous rassure (et on n'en attendait pas moins de lui), le songwriter, aidé par Steve Albini à la production et par Jennie Benford au chant (qui fait des merveilles notamment sur The Night Shift Lullaby), reste dans ses ambiances et ses thèmes de prédilection et nous offre ici huit nouveaux morceaux juste assez mélancoliques pour fendre le plus endurci des cœurs.

Renaud Martin



Moby
Hotel
[Mute/Labels]

On connait Moby pour ses multiples talents : DJ pour les discothèques d'Ibiza au milieu des années 90 ("Everything Is Wrong"), chanteur et guitariste énervé ("Animal Rights" en 1996, dont on retiendra surtout l'excellente reprise de Mission of Burma That's When I Reach for My Revolver ), bluesman talentueux et architecte sonore rentier ("Play" en 1999), dans l'émotion (We Are All Made of Stars sur son album précédent) ou encore et surtout pour son bon goût (sa remarquable reprise de New Dawn Fades de Joy Division, l'hommage appuyé à "Twin Peaks" sur Go, et tout récemment sa prise en main de la BO du film en projet consacré à Ian Curtis). Moby parvient toujours, dans chacun de ces costumes, à distiller parcimonieusement des chansons qui répondent d'une façon parfaite au cahier des charges initial, tout en parvenant à rester convaincantes. Mais, en général, l'exploit ne se maintient jamais sur la longueur d'un album. Avec "Hotel", les choses ont véritablement changé. Quelque puisse être l'accueil de ce disque et la fréquence à laquelle les illustrateurs sonores de pubs ou de reportages TV vont s'empresser de le dépouiller, on ne peut que reconnaître qu'il est parfaitement réussi. Un "vrai" album, plus qu'une vitrine de ses innombrables facettes, un sage et homogène compromis entre l'émotion et l'efficacité, entre pop, ambient et down tempo. Dès la première écoute, les "hits" de qualité se succèdent, Raining Again, Lift Me Up, Where You End, Slipping Away, tous entêtants à souhait. Le reste est une excellente soupe FM, mais de celles dont on aimerait se gaver tous les jours. Une seule mauvaise surprise, assez décevante pour être signalée, la reprise de Temptation de New Order dans une version mollassonne à l'excès, de surcroît l'un des seuls titre sur lequel Moby ne chante pas, Laura Dawn se chargeant de la tâche. Dommage, car le clin d'œil était, pour qui douterait encore de ses affections, tout à l'honneur de Moby. Mais cette déconvenue reste la seule d'un album exemplaire.

Christophe Labussière



Paradise Lost
Paradise Lost
[BMG]

Depuis le monumental "One Second", Paradise Lost est l’un des rares groupes de métal à être aussi apprécié par les fans de Depeche Mode que par ceux de Sisters of Mercy. Avec le remarquable "Host", le combo anglais avait même fait un grand pas dans la direction d’un rock ténébreux où les guitares cédaient devant l’électronique… Ce qui leur avait d'ailleurs valu une certaine incompréhension de la part de leurs fans de base. D’où revirement sur le mi-figue mi-raisin "Believe in Nothing", marquant un retour aux guitares dures sans lâcher les mélodies typées années 80. Une tendance encore plus accentuée sur l’excellent "Symbol of Life", qui incorporait intelligemment l’électronique à l’organique (Rhys "Front Line Assembly" Fulber était aux manettes) et bénéficiait de compositions puissantes aux mélodies imparables. Se voulant encore plus lourd, "Paradise Lost" (toujours produit par Fulber) réconciliera sûrement le groupe avec ses "fans de base". Mais si l’énergie, les guitares plombées et le lyrisme gothique sont toujours bien au rendez-vous, on a du mal, cette fois, à accrocher sur des compositions moins convaincantes que par le passé. Quasiment irréprochable jusqu’alors, Paradise Lost déçoit quelque peu avec ce dixième opus qui n’apporte en fait rien de bien nouveau, malgré sa production massive et sa noirceur impressionnante. Au lieu de se mettre en danger comme à l’époque de "Host", la formation d’Halifax a préféré jouer la sécurité et semble tourner en rond, malgré quelques morceaux entêtants (For All You Leave Behind, Forever After). Du coup, l’aspect éponyme du titre de cet opus semble signifier ironiquement que Paradise Lost fait… du Paradise Lost, et rien de plus !

Christophe Lorentz



Psyche
The 11th Hour
[Accession Records]

"The Eleventh Hour", le onzième album de Psyche, est présenté par son géniteur, l’éternel adolescent Darrin Huss, comme celui de la dernière chance. C’est surtout celui d’un retour aux sources, avec le départ de Remi Szyszka (parti tenter sa chance avec une carrière solo, mais qui cosigne tout de même deux titres), et son remplacement au pied levé par un ancien membre de Psyche : Per Anders Kurenbach. Dès les premières notes de Bloodcurse, on le sent, l’ambiance est plombée, le ton est grave, Darrin ayant été jusqu’à modifier sa façon de chanter. Sa voix cependant reconnaissable d’entre mille redevient familière sur les quelques chansons dont le tempo est plus rapide, comme Defenseless ou encore The Belonging Kind, morceau qui a vraisemblablement pu s’échapper des sessions du "Babylon Deluxe" sorti en 2003. Mais l’illusion ne dure qu’un temps : quand le chanteur s’essaie au spoken words sur 15 minutes, la chanson prend immédiatement des allures de Endraum survitaminé. En effet, Darrin a voulu se débarrasser de l’agaçante image électro future pop des récents opus et qui accompagne la musique de son groupe depuis la sortie de "The Hiding Place". Psyche est bien plus qu’une formation éphémère surfant sur les courants chauds, et reste d’actualité vingt ans après la sortie de son premier album. Une curieuse innovation vient contrebalancer cette odeur de nostalgie : le CD libère un parfum (des plus douteux) lorsqu’on le frotte avec le doigt. Darrin Huss représentant en cosmétiques, ce n’est sans doute pas pour demain, mais gageons qu’en continuant d’écrire de somptueux titres comme le long Buried Alive, Psyche a encore de belles années devant lui.

Bertrand Hamonou



Somatic Responses
Pounded Mass
[Hymen]

Les frères Healy sont énervés, et cela s'entend. Il faut croire que l'étiquette IDM, largement accolée à certaines de leurs dernières productions, les a passablement contrariés. Rébellion envers leurs illustres confrères britanniques ou simple regain d'amour-propre ? Toujours est-il que, comme le suggère le titre de ce nouvel album, ça pilonne, ça tambourine, bref, ça tape fort, mais pas seulement. Certes "Pounded Mass" est un judicieux mélange de sonorités typiques au duo (distorsion et BPM sont plus que jamais présents), alternées de plages ambient tout aussi caractéristiques (ouverture très calme de l'album avec l'oppressant Machines Desire). Une mixture éprouvée qui met en avant depuis des lustres la virtuosité de nos Gallois ; mais John et Paul Healy, toujours experts en ambiances étranges du style "B.O. de films de science-fiction old school" (Dead Space), ont également décidé d'agrémenter ce retour aux sources de quelques changements, tels les scratches inattendus présents sur Bathrobe Brawl V1. On notera néanmoins que ce titre (tout comme The Day IDM Crawled Up It's Own Arse) date de 2003 au mieux, ce qui prouve que les deux frères n'ont pas abandonné cette (mauvaise ?) habitude de mettre sur leurs albums un condensé de morceaux réalisés sur plusieurs années. N'allons donc pas forcément voir d'unité ou de nouveauté là où il n'y en a pas vraiment... mais cela n'a finalement guère d'importance, car la musique des Somatic Responses représente à elle seule un univers puissant qui n'a pas besoin de se justifier pour prouver son efficacité.

Carole Jay



Télépopmusik
Angel Milk
[Capitol]

Difficile de dire dans un premier temps si "Angel Milk" est plus classe, plus brillant ou simplement plus ennuyeux que "Genetic World", son prédécesseur. Plus lounge c'est certain, car l'ambiance qui s'en dégage est cotonneuse, comme une longue et douce berceuse extrêmement délicate. Plus soigné, c'est l'évidence, car les sonorités utilisées sont subtiles, d'une richesse étourdissante, preuve d'un travail de réglage et d'affinage de nerds. Plus consensuel, avec ses chansons formatées, toutes chantées, comme des comptines délicates et empreintes de tristesse. Mais d'une certaine façon l'ensemble peut paraître plus hermétique, presque monolithique, parfois un brin fatigant, comme sur Love's Almighty, sa voix exaspérante et ses abus de "cordes". Mais toute la force et la richesse de cet album ne se laissent dévoiler finalement qu'au fil de nombreuses écoutes. Prenez vraiment la peine de vous y appesantir, car les quinze titres de ce disque, s'ils semblent dans un premier temps moins excitants que ne l'étaient ceux de leur premier album, restent malgré tout remarquables.

Christophe Labussière



Transmission
Compilation
[Infrastition]

À l'heure où la scène française est plus morne, plus morose que jamais, le moment est peut-être venu de se retourner vers le passé. L'occasion nous en est donnée avec cette compilation réalisée par le label Infrastition qui s'est spécialisé sur la scène hexagonale des années 80/90. On avait découvert ce jeune label il y a quelques mois, avec sa toute première production, la réédition, pour la première fois en CD, de l'intégrale de Baroque Bordello, suivie de près par deux albums de Clair Obscur. C'est ici un aperçu plus large de ces années vers lesquelles ceux qui les ont connues se retourneront avec nostalgie qui nous est proposé. Asylum Party, Baroque Bordello, Tanit, Opera de Nuit, Resistance, Kas Product, Martin Dupont pour les plus connus, un aperçu d'une beauté et d'une candeur éblouissantes, qui laissera peut-être sceptique les plus jeunes d'entre nous tant les compositions de certaines formations peuvent paraître approximatives, mais qui contentera à un point inexplicable ceux qui se souviennent encore du jour où ils ont tenu en main pour la première fois ces disques. Certains des morceaux de "Transmission" ont d'ailleurs été remastérisés à partir des vinyles, preuve de la volonté d'Alexandre Louis, l'auteur de cette compilation, de regrouper coûte que coûte le meilleur de cette époque. Les quelques craquements qui en résultent donnent du charme en plus à ce CD qui n'en manque vraiment pas.

Christophe Labussière



Vitalic
Ok Cowboy
[Different/PIAS]

Qu'est-ce qu’il aura été long à voir le jour cet album ! Quelques soient vos goûts musicaux vous n'avez certainement pas pu échapper à Poney Part 1 et Poney Part 2, deux titres absolument imparables qui depuis 2001 dévastent les dance floors du monde entier. Un seul autre EP aura succédé à ce premier, "Fanfares" en 2004, un cran moins excitant. On aurait depuis presque oublié le prodige, français de surcroît, jusqu'à ce qu'enfin "Ok Cowboy" arrive sur nos platines. La mauvaise surprise c'est que Poney Part 1, Poney Part 2, La Rock 01, tous extraits des deux premiers EP figurent sur cet album. Autant de nouveaux morceaux en moins et une preuve de la difficulté qu'aura eu l'auteur à construire ce disque. La bonne surprise c'est qu’en treize titres, le Grenoblois dévaste tout. De l'électro rock, avec un goût énorme pour les guitares qu'on croirait piquées à Daft Punk (le single My Friend Dario), une véritable attention pour l'ambiance, soutenue par des synthés carrément addictifs, un don réel pour s'amuser (les orgues de Wooo, la polka de Polkamatic, les voix des deux Poney ou de Repair Machines) et un talent incontestable et une faculté carrément indécente à faire suer et bouger (comment résister à No Fun). Une vraie claque !

Christophe Labussière



The Wedding Present
Take Fountain
[Talitres/Chronowax]

Qui n'a pas vécu le passage des eighties aux nineties au son du rock indé ne peut comprendre ce que représente The Wedding Present dans l'histoire du rock de ces vingt dernières années. On l'a tous oublié, mais sans les Wedding Present, la plupart des groupes actuels n'existeraient pas. Sur les traces des Buzzcocks, les Weddoes, comme on les appelait affectueusement, popularisaient un genre nouveau dont personne n'avait l'habitude aux alentours des années 87/88 : une pop super speedée, des mélodies imparables, des guitares à fond la caisse, un compromis idéal entre rage de vivre et émotions à fleur de peau, mal d'amour et besoin de révolte, typiques de l'adolescence. Deux premiers albums magiques tiraient un trait sur des années de déprime post-punk, réveillaient un rock devenu chiant comme la mort. "George Best" (87) et "Bizarro" (89), devenaient le symbole d'une jeunesse désireuse de remuer un peu plus. Puis vinrent les Pixies, puis encore Nirvana, et le sort en était jeté : les Wedding Present, après un "Seamonsters" parfait (produit par Steve Albini, s'il vous plaît) et un "Hit Parade" anecdotique mais sensationnel (au sens noble du terme), disparaissaient peu à peu dans l'indifférence général. Les groupes jouaient plus fort, plus vite, faisaient encore plus de bruit. "Watusi" en 94 se révèle trop moyen, puis "Saturnalia" en 96 complètement raté.
En 2005, nous ne sommes plus en 1987 bien sûr, et la pop furieuse a bien disparu. Il ne reste plus que ce qui faisait l'essence même des Weddoes, ce qu'au fond on aimait vraiment : une musique de toute beauté, d'une tristesse infinie, aux mélodies parfaites. Gedge n'est plus pressé, il n'a plus rien à prouver. Il prend son temps, désormais, et peaufine l'émotion de ses morceaux, même s'il est encore capable de nous pondre des bijoux comme Ringway to Seatac emballés en moins de trois minutes. "Take Fountain" est certes un véritable ovni si on le compare à ce que l'on peut entendre aujourd'hui, il vous donne le sentiment d'avoir touché à quelque chose d'unique et de merveilleux. Merci, mille fois merci.

Frédéric Thébault

Express

Puyo Puyo est de retour avec "The Love & Furry" (Ego Twister), un EP touffu, au sens propre comme au figuré, puisque que le centre de ce vinyle gravé sur une seule face est orné d'un échantillon de la véritable fausse fourrure d'un micropet (dessiné sur la pochette par les très tendance Petra Mrzyk et Jean-François Moriceau). Et la musique direz-vous ? Et bien mis à part le fait qu'on ne se lasse pas d'entendre des sons 8 bit sur un disque vinyle (plus décalé tu meurs), Puyo le robot nous propose comme à son habitude six titres d'électro ludique à souhait, farcie de multiples samples tout droit échappés d'une console extra-terrestre. Un must à faire pâlir tous les geeks de la planète chiptunes.
Dans la même famille mais en version plus "dure", on retrouve Curtis Chip chez Ad Noiseam pour un album compilation. Effectivement, après avoir sorti deux EPs sur son propre label Zod Records, Ben Derickson regroupe sur "Eating Paste" un titre du premier de ces EPs et la totalité du deuxième, enrichis d'un nouveau morceau et surtout de nombreux remixes (réalisés par Eight Frozen Modules, Tarmvred, Larvae, Enduser, Binray, Ove Naxx et Xanopticon). Pour ceux qui n'auraient pas encore eu la chance de découvrir les rythmes syncopés de cet artiste, à situer quelque part entre bitpop et drill'n'bass, voilà donc un bon moyen de le faire sans hésitation.
"Kabul" de Éric Aldéa & Ivan Chiossone, n'est autre que la bande originale non retenue de "Terre et cendres", un film d’Atiq Rahimi. En effet, bien que résultant d'une commande, le travail effectué par le duo ne semble pas avoir convaincu l'écrivain cinéaste, puisque celui-ci n'a finalement choisi qu'un seul morceau parmi tous ceux qu'ils lui ont proposés. Le label Ici d’ailleurs a donc décidé de publier une sélection de ces compositions réalisées entre l'Afghanistan et la France, afin qu'elles ne tombent pas dans l'oubli. Entre musiques et chants traditionnels afghans, ambient et post rock, ce disque à la fois contemplatif, introspectif et plutôt sombre, est avant tout un témoignage intéressant du brassage de deux cultures très éloignées qui, au final, prouvent qu'elles peuvent se compléter de façon harmonieuse.
Dans la rubrique disques "concept", Szkieve a décidé de rendre hommage à l'aviation soviétique avec un mini CD 7 titres intitulé "Ekranoplanes" (Ant-Zen), du nom d'une famille d'étranges machines volantes évoluant à mi-chemin entre le bateau et l'avion. Lourdeurs aquatiques (d'épais drones parcourent les morceaux) et légèreté aérienne (percussions minimalistes et glitches délayés se côtoient délicatement), voilà justement ce qu'évoquent les différentes textures sonores utilisées dans ce disque. Esthétiquement, on peut donc dire que Dimitri Della Faille a réussi son pari, mais du point de vue de l'originalité, on reste un peu sur sa faim. Sauf, peut-être, si on est fan d'aviation.
Pour finir, et comme il serait bien trop facile de ne pas parler de "Altmann's Tongue" de Brian Evenson with Xingu Hill and Tamarin (Ant-Zen), demandons-nous plutôt ce qui a pu passer par la tête des susnommés pour sortir un disque pareil. Pendant près de quarante minutes, Brian Evenson, écrivain de son état, nous lit sur fond d'une musique expérimentale, sombre et atmosphérique (et très en retrait, telle une musique d'ambiance) une sélection de ses propres textes. Même si ceux-ci sont loin d'être inintéressants, ils ne donnent pourtant que l'impression d'un disque spoken words de plus, monotone, fade et sans relief, qui vous laissera d'autant plus de marbre si vous n'êtes pas anglophone.

Carole Jay


Express

Le rock héroïco new wave de Villa Vortex sonne un peu comme celui de ces groupes de lycée qui donnent consciencieusement le meilleur d'eux-mêmes sur scène, devant leurs petits camarades à la fin de l'année scolaire. Derrière une config guitare/basse/batterie classique menée par une voix au grain plutôt accrocheur, un chant en français au lyrisme un brin revendicatif, l'esprit de Villa Vortex oscille entre New Model Army et... Black Maria. Si les cinq titres de cet EP n'ont rien de vraiment abouti, ils ont retenu notre attention et l'album qui devrait sortir dans le courant de l'année pourrait dévoiler quelque chose de plutôt intéressant, tout au moins si la formation décide de se calmer un peu sur ses guitares et surtout à se faire encadrer par un producteur soigneux. Souhaitons-leur au pire une meilleure évolution que celle du plus que controversable Maurice Dantec, auquel le groupe rend curieusement hommage en tirant son nom d'un de ses romans. (Site web).
Il serait assez injuste de critiquer No Tears alors qu'on s'extasie par ailleurs dans nos pages sur des groupes comme Opéra de Nuit, dignes représentants d'une cold wave labellisée française des années 80. Car ce projet, qui réunit entre autre un membre de Renaissance Noire et un de Neutral Project, deux autres formations incontournables des années 90, a de commun avec les groupes susnommés de proposer une cold wave datée menée par une voix... quasi insupportable. Mais le problème pour No Tears c'est qu'ils n'ont malheureusement pas l'excuse de l'ancienneté, car cette production prendrait peut-être tout son sens si elle était estampillée 1982 et se dévoilait derrière les craquements d'un vieux vinyle, mais malheureusement sorti en 2005, "Borderline" (Str8Line) (par ailleurs, titre du premier LP d'Asylum Party) ne parvient dans le contexte actuel à nous tirer aucune indulgence. (Site web)
Neon Cage Experiment lorgne aussi très fortement vers le passé, mais en ce qui les concerne c'est à Skinny Puppy et Front Line Assembly que la formation strasbourgeoise s'intéresse. On n'osera pas les accuser de plagiat tant il semble plutôt s'agir d'hommage. Aucune personnalité, aucune originalité, mais une faculté étonnante à régurgiter des sonorités et des ambiances propres aux deux formations précitées, comme si "Oscillations" (Cortex Records) était l'album que Bill Leeb, Rhys Fulber, Cevin Key et Nivek Ogre n'avaient jamais eu le temps de faire. (Site web)
Dès les premières secondes de "The Horror of Amusement" de Nerve Exhibit, on pense à Museum of Devotion. Des sons synthétiques assez typiques qui donnent à l'ensemble de l'EP une allure très particulière, à mi-chemin entre New Order et Skinny Puppy. Cinq titres qui se dispersent mais qui à la fois se complètent parfaitement. Une curiosité dont l'immaturité apparente est en fait tout son intérêt, et qui a toutes les chances de se révéler particulièrement intéressante sur la longueur d'un album. À suivre de très près. (Site web)
Diaclase est un projet originaire de Bordeaux, sombre et intense. Des ambiances industrielles à la structure particulièrement intéressante, bien loin de tout modèle connu. Un "chant" en français sur trois des quatre titres (pour tout de même 30 minutes), introduction brillante et à vrai dire particulièrement excitante à un album attendu pour le courant de l'année. (Site web)
Ça bastonne ! C'est à l'évidence ce que l'on peut dire de Inger De Fier et des quatre titres de "Deadly Games" (leur second EP). Une version roumaine et surtout plus groovy de KMFDM, sorte d'électro indus aux mélodies plutôt dansantes, à laquelle on doit malgré tout faire deux reproches majeurs : les deux membres, IngerAlb et Bat, n'ont pas osé poser de voix sur leurs compositions, et en cela on reste sur sa faim, et à quelques reprises les guitares s'éloignent curieusement de celles auquel le domaine nous a habitués pour sonner bien trop hard rock pour être honnêtes. Le résultat est parfois assez flippant. À suivre tout de même, mais sans garantie. (Site web)
Pour des raisons obscures Daft Punk semble ne plus avoir la cote... à croire que trop de succès finit par agacer. Pourtant, "Human After All" est bien mieux foutu que son prédécesseur, qui aujourd'hui fait simplement figure de simple transition entre "Homework" et cet album. Parfaitement bien construit et homogène, sans aucun morceau de seconde zone, hyper efficace, et pour une fois en rien énervant. Le troisième album du duo est une vraie réussite. Du côté de The Chemical Brothers, si la méthode est différente, plus variée, plus riche, la réussite est en tout point semblable. Vous ne résisterez pas aux bidouilles et aux beats du duo. Les prodiges ne sont pas forcément là où on le croyait et les Chemical Brothers, comme Daft Punk, ou tout récemment Fat Boy Slim, impressionnent toujours autant. À la fois précurseur et leader, ils mènent la danse comme personne. Époustouflant.

Christophe Labussière


Express

Le duo Philo Fournier et Franck Flies sévit sous le mystérieux patronyme de LMZ, et distille un rock très électro-tribal, chanté en français, qui doit bien plus aux Young Gods qu’au groupe d’origine de l’un des deux protagonistes (Les Ablettes). Le chant n’en est pas vraiment un à proprement parler, mais il s’agit plutôt d’un phrasé monotone et passé à la moulinette vocoder. Cette voix fantomatique donne ainsi la réplique à une série de samples en anglais, accrochés sur une succession de rythmes lourds, hypnotiques et sourds. Le tout est bien homogène, presque trop, et il est facile d’imaginer qu’un tel album est plus taillé pour la scène que pour votre stéréo : à en croire les vidéos de la plage ROM du CD, la musique de LMZ s’écoute les yeux grand ouverts. Les Français de Zerowatt, quant à eux, produisent une musique tellement humaine que l’on rencontre pas moins de six chanteurs ou chanteuses tout au long des onze titres qui composent "If I…". Le son est déjà très professionnel pour un premier album totalement indépendant, à la fois grave et chaud, que vous pouvez découvrir sur (le site) du groupe. Un disque intemporel, solidement influencé par l’électro-jazz et le trip-hop, et qui aurait certainement gagné à s’offrir une pochette plus adéquate. Ce qu’a fait Misstrip pour son trois titres autoproduit et prometteur. Les morceaux sont fouillés, les sons bien trouvés s’accordent parfaitement à cette douce voix toute en retenue sur l’électro rock de Eho-Sphere. Between Us, la vraie réussite de ce CD, navigue entre acoustique et minimalisme électronique. (Site Web).
Un Belge et un Français, Finalcut et Giscard le Survivant, alternent les déconstructions sur le split CD "Risques partagés" de la jeune structure Les Disques Ragondins Mondains. Douze titres (dont deux composés ensemble) à ne pas laisser traîner entre toutes les oreilles, tant les mélodies abstraites de ce Meccano audio sont à construire soi-même à partir de pièces métalliques remplacées par des sons dénaturés et triturés à l’infini. Musique concrète, micro sons, industriel expérimental, ainsi qu’une bonne dose d’humour dans les titres sont au programme. (Site Web).
Enfin, terminons par "L’un bouge, l’autre pas" des Chopstick Sisters. Une série de vocalises féminines un peu hallucinées, sans instruments et juste pour le plaisir, sous la forme de dix pistes d’une à trois minutes environ. Craquements, rires, souffles, miaulements, cris, et tout ce que peut faire une voix lorsqu’il ne s’agit pas de parler. C’est très curieux et limité : seulement 107 CD seront produits par le label 3patttes. (Site Web).

Bertrand Hamonou


Express

Chez Constellation, on fête le printemps comme tout le monde, mais également la sortie du quatrième album de Thee Silver Mt. Zion Memorial Orchestra & Tra-La-La Band, sur lequel est reprise la formule chantée utilisée depuis le précédent album "This Is our Punk Rock...". On retrouve donc le chant déchiré et déchirant d'Efrim, mais également celui d'autres membres du groupe, tous invités ici à pousser la chansonnette dans ce "Horses in the Sky" relativement plus reposé que ses prédécesseurs, mais tout aussi poignant.
Après Fourtet, Nightmares On Wax ou Turin Brakes, c'est maintenant à nos amis les Flaming Lips de se prêter à l'exercice proposé par le label londonien Azuli pour ses compilations LateNightTales, qui consiste à faire un mix de ses morceaux les plus appréciés et écoutés. Comme on pouvait s'y attendre, la sélection des Américains est aussi pointue qu'éclectique puisque s'y côtoient des références universelles comme Miles Davis, Nick Drake ou Roxy Music, des artistes récents comme Björk, Radiohead ou Aphex Twin ou des groupes plus 80's comme Chameleons ou Love & Rockets. À noter également l'excellente reprise par les Flaming Lips eux-mêmes de Seven Nation Army, le tube planétaire des White Stripes.
Pour terminer, petit flash-back, replongez-vous donc un instant dans votre période fin 80/début 90 : dans les grands noms de la pop anglaise post-Smiths, vous écoutiez probablement les Stone Roses ou Ride, mais aussi sûrement The House of Love, à qui l'on doit quelques grands albums (leurs deux premiers éponymes principalement) et surtout des tubes inoubliables comme Christine ou Shine On. Après 1994, date de dissolution du groupe, on n'avait pas eu grand chose à se mettre sous la dent à part un timide album solo du chanteur Guy Chadwick en 1998. Et bien dix ans après, voilà que la reformation a lieu et qu'on parle d'une complicité retrouvée entre Chadwick et le guitariste Terry Bickers. Le résultat est un album nommé "Days Runs Away" dans lequel on retrouve la pop délicate et le savoir-faire indéniable du groupe sur dix chansons sobres et travaillées. Alors oui, l'ensemble peut sonner un peu daté et manque un peu d'éclat (pas de tube imparable au menu par exemple), mais les Anglais ont eu le mérite de ne pas réaliser une simple redite de leurs succès précédents. Une bonne remise en jambes, en espérant que la suite (si suite il y a) soit plus à la hauteur de la réputation de ce grand nom de la pop anglaise.

Renaud Martin